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Comment les romans ados parlent-ils des réseaux sociaux ?

Je partage ici une analyse de cinq romans pour adolescents, qui présentent différentes visions d'Internet et des réseaux sociaux. J'avais rédigé ces notes il y a trois mois, donc elles concernent des romans parus avant l'été. En avez-vous lus de la rentrée littéraire qui abordent ce sujet ? Dites-nous ce que vous en avez pensé dans les commentaires.

La pyramide des besoins humains de Caroline Sole, L'École des Loisirs.

Sans-abris de 18 ans, Christopher décide de participer à un nouveau jeu, la Pyramide des besoins humains, qui donne son titre au livre. Pour gagner, il faut franchir cinq paliers, en postant chaque semaine des photos et un texte expliquant comment sa situation personnelle et professionnelle comble ses besoins fondamentaux. Profil atypique, Christopher se distingue parmi 15000 joueurs en clamant qu’il a tout le nécessaire en vivant sur le trottoir, sans possessions. La rareté de ses publications et l'originalité de son discours le rendent populaire bien qu'il garde l'anonymat. Et le roman conduit le lecteur à s'interroger : Internet peut-il être à l’origine d’une ascension sociale ? Un jeu télévisé permettrait-il de changer de vie ? Le roman montre également que même si le personnage de sans-abri créé par Christopher est apprécié, la réaction des passants vis-à-vis des marginaux n’évolue pas : ils longent le trottoir sans un regard pour les deux hommes qui y vivent et sans leur donner l'aumône, tout en commentant à voix haute l’actualité de la page de Christopher qu'ils consultent en marchant leur téléphone à la main.


Les petites reines de Clémentine Beauvais, Sarbacane.

Dans ce roman qui a fait le buzz au printemps dans les réseaux littéraires, l'auteur incite à la réflexion sur les réseaux sociaux sans porter de jugement catégorique sur ces outils. L’élément déclencheur de l’histoire est l’organisation par Malik d’un concours sur Facebook pour élire les « boudins » du collège. Les réactions des trois élues montrent l’influence de ce type de classement sur le mal être des ados, et l'impact réel des publications virtuelles dans la cour de récré. Elles ont d’ailleurs des réactions très différentes, représentatives des jeunes vis à vis d’Internet, de la distanciation à l’apitoiement. Dans un deuxième temps, la presse et les réseaux sociaux jouent un tout autre rôle, à la fois d’encouragement et de harcèlement. Les adolescentes entreprennent un périple en vélo de Bourg en Bresse à Paris, qui devient très médiatique. Tandis que la presse locale, puis régionale, relaye leurs étapes, sur les réseaux sociaux apparaissent à la fois des messages de soutien et des insultes. Les héroïnes tentent au mieux d’éviter les journalistes, mais acceptent parfois de leur répondre pour contredire les rumeurs et assumer le statut d’égérie que l’on veut leur faire porter. Dans ce dernier cas, leur popularité et la rapidité de diffusion de l’information sur ces réseaux permettent à leurs partisans de leur réserver un très bon accueil. Mais la générosité n’est pas toujours à l’origine de ces démarches, qu’elles soient politiques ou dues aux paris que les autres jeunes portent sur les adolescentes.


Populaire ? de Florence Hinckel, Rageot.

Ce roman s’appuie aussi sur un classement, mais il s’agit de celui des plus belles filles de cinquième. Pour Mona, qui n’arrive que 8e, l’enjeu est d’être présente sur les réseaux sociaux pour ne pas être en décalage avec ses pairs ou marginalisée. Elle pose le problème de l’inscription anticipée à Facebook, qui requière l’accord des parents pour les moins de treize ans. Florence Hinckel relate avec justesse le sentiment d’exclusion que peuvent ressentir les adolescents s’ils n’ont pas de profil leur permettant d’accéder aux nouvelles et potins publiés par leurs camarades. Elle questionne aussi la pratique du selfie, et sa diffusion via Facebook ou Instagram, en proposant une alternative : tandis que Soizic pose son portrait à tors et à travers, Mona qui n’en a pas le droit utilise son chat comme mascotte. Le roman met enfin en garde à propos du droit de propriété à l’image. Quand une photo de Mona en culotte est publiée par un collégien, elle n’ose d’abord pas en demander le retrait jusqu’à ce qu’un ami l’informe qu’elle est en droit de l’exiger. La narration à la première personne illustre aussi comment les smartphones peuvent créer uen certaine connivence, mais aussi isolent des amis avec lesquels on est en présence, car Mona n’a pas Internet sur son téléphone contrairement à ses amis. Finalement, l’adolescente regrette l’époque où elle avait créé un forum pour que chacun puisse s’exprimer librement dans l’anonymat et la légalité.


Girl Online de Zoe Sugg, La Martinière Jeunesse.

C’est justement ce que fais Penny, l’héroïne de Girl Online, par l’intermédiaire de son blog. Elle y confie ses joies et les humiliations subies, ainsi que ses secrets. Sa maladresse d’adolescente timide rend le roman très drôle, et les sujets abordés sont si variés qu’ils facilitent l’identification des jeunes femmes, d’autant que la simplicité de style d’écriture ne dépaysera pas les internautes. Le roman est centré sur la notion d’amitié, en démontrant qu’il est possible de se sentir plus proche d’amis virtuels que de ses amis, notamment si des divergences d’opinion et d’attitude apparaissent en grandissant. La communauté qui se rassemble sur le blog de Girl Online lui apporte du réconfort, mais beaucoup viennent aussi y puiser du courage et des confidents pour affronter leurs propres vies. L’auteure connait bien ce phénomène, ayant elle-même un blog et une chaîne Youtube très populaires, et elle réussi à aborder des thèmes profonds dans une romance de chick-litt. Grâce à l’anonymat, les internautes révèlent peurs et traumatismes dans les commentaires destinés à Girl Online, et le soutien affectif de la communauté les aide à réaliser leurs projets. Toutefois, Zoe Sugg rappelle la fragilité de l’anonymat sur Internet, et la permanence des publications que l’on ne peut jamais effacer complètement. Elle met enfin en garde sur les limites à la liberté d’expression, en dénonçant la diffamation, mais aussi en montrant que s’exprimer à propos d’autrui sans son accord peut engendrer des conséquences imprévues, même si ce roman un peu cliché est très prévisible.


Mortel Smartphone de Didier Daeninckx, Oskar, 2015.

Un autre genre littéraire pour un tout autre sujet : le célèbre auteur de romans policiers dénonce ici les conditions de fabrication des outils technologiques. Il nous transporte en Afrique, sur les pas de d’un préadolescent enlevé et forcé de travailler dans les mines d’extraction du coltan. Alors que son village est incendié et les adultes massacrés, les enfants sont entraînés par une milice et formés à surveiller les esclaves. Cette réalité méconnue est d’autant plus saisissante que la brièveté de la nouvelle se concentre sur le fil narratif et les péripéties, sans tomber dans le pathos : rien n’est larmoyant, aucun jugement n’est porté pendant l’histoire, et c’est l’incompréhension du héros qui nous émeut, ainsi que sa difficile posture de garde l’obligeant à adopter une position d’autorité en refoulant son âme d’enfant. Cherald ne sait pas à quoi sont destinés les minéraux, et son acharnement pour découvrir la cause du malheur des esclaves lui donne le courage de survivre. Bien que la fiction parle d’elle-même, l’auteur développe sa démarche et sa position militante dans une postface, pour apporter plus d’information et interpeller plus explicitement le lecteur.


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